Pour finir le mois en beauté, après ma lecture des tomes 2 et 3 de la saga des Sept Sœurs, je voulais un roman un peu plus « léger ».
Forte de mes deux précédentes lectures des romans de Serena Giuliano, à savoir Ciao Bella, puis Mamma Maria, il y a peu, je n’ai pas hésité longtemps avant de me jeter dans la découverte de ce troisième roman, Luna.
Quatrième de couverture
« J’attrape ma valise et me dirige vers ce qui était autrefois ma chambre. J’ouvre les volets : il y a le balcon, puis la mer, le Vésuve, et toute la baie. Je me retrouve face à mon enfance et à mes souvenirs. »
Luna arrive à Naples contre son gré : son père est gravement malade. Rien, ici, ne lui a manqué. Ses repères, ses amies, son amour sont désormais à Milan. Alors pourquoi revenir ? Pourquoi être au chevet de son papà, au passé trouble, et avec lequel elle a coupé les ponts ?
Mais Napoli est là, sous ses yeux : ses ruelles animées et sales, ses habitants souriants et intrusifs, sa pizza fritta, délicieuse et tellement grasse, son Vésuve, beau et menaçant…
Est-il seulement possible de trouver la paix dans une ville si contrastée ? Et si ce retour aux sources sonnait finalement l’heure de l’apaisement ?
Extrait
Je n’étais pas rentrée à Naples depuis sept ans.
Un refus catégorique de remettre les pieds dans la merde.
Dès la descente de l’avion, je réalise combien cette ville ne m’a pas manqué. Je suis immédiatement agressée par le bruit, les Napolitains indisciplinés, au mieux beaucoup trop familiers, au pire carrément grossiers. Devant l’aéroport, deux hommes ont déjà tenté de me vendre des chaussettes.
Je suis là depuis trente secondes, je n’ai même pas encore eu le temps de me dégourdir les jambes, et des types veulent me vendre des chaussettes !
Je les rembarre d’un geste de la main et d’un regard noir. J’ai évidemment droit à un « Oh, là, là, susceptible la signorina ! ». Mais qui, en sortant d’un avion en plein mois de mai et sous vingt-cinq degrés, se dit « Tiens, il me faut absolument des chaussettes » ? Changez de business, les mecs ! Au vu de ce qui m’attend, là, tout de suite, la seule chose dont j’ai besoin, c’est d’un shot de grappa.
Luna, de Serena Giuliano (éditions Livre de Poche)
Mon avis
Luna, est le troisième roman de l’auteure. Publié en 2022 aux éditions Livre de Poche, il a fait partie de la sélection 2022 du Prix des Lecteurs. Comme pour Ciao Bella et Mamma Maria, je savais que je ne serais pas déçue.
Là encore, Serena Giuliano nous propose une mécanique qui fonctionne parfaitement bien : les chapitres sont extrêmement courts (quelques pages, à peine), ce qui donne un rythme d’autant plus soutenu au roman.
Cette fois, le lecteur fait la rencontre de Luna, une jeune femme italienne, qui vit à Milan mais a dû revenir dans la ville de son enfance, pour soutenir son père, hospitalisé. L’intrigue se déroule donc encore une fois en Italie, ce pays si cher au cœur de l’auteure, et cette fois-ci, le lecteur embarque pour Naples. Au cours de son séjour, Luna va renouer avec sa famille paternelle, notamment avec sa cousine, Gina, qui est devenu un véritable cliché napolitain aux yeux de Luna, au fil des années et de l’éloignement. Le lecteur découvre aussi Gerardo, l’oncle de Luna (et donc, le père de Gina), qui n’est autre que le frère de son père, Ciro.
Dès la première page, on rentre dans le vive du sujet avec l’humour parfois décalé et déconcertant de l’auteure, mais on est rapidement renvoyé à quelque chose de plus sérieux. L’unique raison de la visite de Luna dans son ancienne ville (et ancienne vie, mais ça, c’est un mystère qui se lève petit à petit) est la santé de son père. Sa mère n’ayant pas souhaité venir au chevet de Ciro, à qui une tumeur au cerveau a été détectée, Luna n’a eu d’autre choix que de faire face à ses démons.
La structure du roman se découpe en plusieurs types de chapitres. Parfois nous sommes dans le présent et parfois nous plongeons au cœur de la vie passée de Luna, afin de comprendre ses blessures du passé, mais aussi sa désertion de cette ville de son enfance. Ces chapitres agissent comme un objectif ayant pour vocation d’expliciter la relation de Luna avec son père. Malgré le ton léger, les indices disséminés au travers des chapitres, nous amènent rapidement à penser que la Mafia joue un rôle dans le changement de vie de notre héroïne, durant son enfance. Pourtant, ce n’est que vers la fin du livre que Serena Giuliano nous dévoile enfin la vérité : le père de Luna a bel et bien plongé dans cet engrenage de la mafia napolitaine, qui gangrène la ville (la Camorra).
Pourtant, ce roman, ce n’est pas que l’histoire de Luna. C’est aussi celle de ses amies : Fatima, Francesca et Alessandra. La première doit faire face à la violence des propos racistes induits par sa religion, la deuxième qui est un médecin bourrée d’empathie doit vivre avec le malheur ou la perte de ses patients, quant à la dernière elle est affublée d’un mari qui ne comprend rien à la vie et la laisse gérer seule la maisonnée. En somme, ce sont des femmes fortes, blessées par la vie et par les obstacles qu’elles ont dû surmonter. L’autre personnage, qui prend une place de plus en plus grande au fil des chapitres est Filomena, la voisine du père de Luna. D’abord dépeinte comme une simple personne âgée « abandonnée » par ses enfants, elle joue un rôle de plus en plus important.
Ce roman est donc une ode à la belle Naples, à ses paysages et à la beauté intérieure de ses habitants emplis de bienveillance, mais aussi un tableau noirci par l’impact de la mafia sur la vie des personnes, considérées comme des dommages collatéraux. On aimera sa fin, heureuse, en dépit des difficultés, qui donne encore une fois la part belle à des femmes fortes, comme on aimerait en retrouver plus souvent dans les romans. En revanche, il ne faut pas s’attendre à une réelle évolution de la relation entre Luna et son père. Ses blessures et ce qu’il lui a fait subir dans le passé ne s’efface pas si rapidement. Il aurait tout de même été appréciable d’avoir un retour, quelques semaines, mois plus tard, pour voir l’évolution de chacun des personnages, car il est difficile de les quitter aussi brutalement.
En bref
Encore une fois, Serena Giuliano m’a régalée. Elle aborde pourtant ici des sujets de société, dont certains gangrènent le Sud de l’Italie, ainsi que d’autres thématiques plus simples, mais néanmoins essentielles au monde actuel dans lequel nous vivons. Elle a réussi ce tour de passe-passe qui consiste à aborder des sujets pas faciles et parfois tabou, tout en gardant une certaine légèreté.